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- Les Chroniques de Faust -
10 janvier 2006

Isabelle Huppert

PORTRAIT D'ISABELLE HUPPERT
L'énigme sans fard

Outre ses rétrospectives new-yorkaises et parisiennes, l’actrice est l’objet d’un beau-livre de photographies et d’une exposition itinérante de ses portraits. Après une tournée internationale avec la pièce de Sarah Kane, Isabelle Huppert rencontre le public français à la Cinémathèque de Paris en attendant la sortie de son prochain film en février.

Le jeu du chat et de la souris

"Est-ce que ce n’est pas le moyen le plus sûr de s’échapper, que d’être vue, en vue très souvent ?". Isabelle Huppert pratique la surexposition sans jamais attraper de coups de soleil. "Le visage de cette actrice se bat contre des adversaires imaginaires, dans un combat qui consiste précisément à se livrer sans livrer combat", analyse Elfriede Jelinek. Sa prise de risques force l’admiration et aiguise la curiosité. Les plus grands photographes contemporains se sont attachés à la saisir. Elle aime à clamer les vertus du détachement intentionnel qui produit de la vie au détriment d’un volontarisme grossier et mensonger : "J’aime beaucoup poser parce que c’est une expérience sur le vide. C’est plutôt une absence, un repli, un regard tourné vers soi". Ce qu’Isabelle Huppert exploite, c’est "la tension entre l’abandon et le contrôle, la maîtrise et ce qui sourd en vous et qui vous traverse". Etre attentif à son intériorité, voilà le secret d’une présence aussi tangible qu’énigmatique. Elle récuse l’idée de l’acteur altruiste, qui fait don de soi. L’actrice s’absente pour paradoxalement susciter des émotions d’une profonde complexité. Cette vérité jamais totalement atteinte est son moteur. J.M. Frodon parle d’une distance habitée et féconde.

Voir la biographie d'Isabelle Huppert

Une beauté froide de caractère

La créature de marbre façonnée par Pygmalion pourrait faire penser à l’insaisissable Isabelle. Cette beauté glacée piquetée de taches de rousseur aurait-elle convenue aux canons d’Hitchcock ? Robert Wilson lui fait travailler son côté Marlène Dietrich dans ‘Orlando’ tandis que Chéreau lui trouve un air de Garbo. Les plans rapprochés dans ‘Gabrielle’ sur sa nuque, ses épaules et son visage expriment à la fois ce regard masculin qui morcelle la femme pour mieux l’adorer et la fascination pour un corps tout entier au service du jeu. Faire ressentir par la peau, et pas seulement par les mots, c’est le challenge de la récente tournée de ‘4.48 Psychose’ de Sarah Kane, texte joué en français sur des scènes étrangères. Ses intonations impressionnent autant que ses silences insondables. Une aura indéniable émane de ce petit bout de femme, consciente de son effet, comme un parfum délicat et tenace : "je suis l’écran de leur projection". Si Isabelle Huppert enseignait un commandement, ce serait : "Laissez les imaginaires se déployer, vagabonder". Cette artiste déterminée, pleine d’énergie et extraordinairement douée fut à juste titre l’égérie de bien des cinéastes, incarnant en quelque sorte la femme inaccessible avec son opacité et sa neutralité mélancolique.


Nénettes pas nettes

Huppert a la stature pour prêter ses traits à de grandes figures : mythiques (‘Médée’), historiques (Madame de Maintenon dans ‘Saint-Cyr’, Mary Stuart), littéraires (Emma Bovary, une des soeurs Brontë pour Téchiné) et artistiques (la peintre Aloïse). "Je dégage l’espace de faiblesse et d’innocence des personnages […] pour les rendre compréhensibles et penser à donner un peu de lumière à leur part sombre." Ses derniers grands rôles en font une héroïne lointaine et torturée, comme récemment ‘Hedda Gabler’ aux Ateliers Berthier. L’actrice semble prédestinée à incarner la faille existentielle. Sa prestation époustouflante dans ‘La Pianiste’ d’Haneke a été récompensée à Cannes en 2001. Mika, patronne perverse impressionnante de froideur et de raideur dans ‘Merci pour le chocolat’ se recroqueville en foetus dans la scène finale. Isabelle Huppert a tourné substantiellement plus de drames que de comédies - même si l’on n’oublie pas ‘La Femme de mon pote’, ‘Sac de noeuds’ - ce qu’elle explique par le fait que l’âge d’or de la comédie est bel et bien révolu. Parmi ses récentes incursions dans le genre, elle campe Augustine, la vieille fille acariâtre de ‘Huit femmes’ (Ozon) et la soeur tyrannique de Catherine Frot dans ‘Les Soeurs fâchées’. L’insouciance qu’elle s’attache à transmettre a des racines profondes et inquiétantes. Femme-enfant dans ‘La Vie promise’ d’Olivier Dahan, Huppert exploite un côté adolescent. Ses rôles plus légers et fantaisistes sont toujours mâtinés d’ambiguïté, comme l’épouse lascive d’‘Eaux troubles’ ou la jeune postière délurée et criminelle de ‘La Cérémonie’.

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L’art et la manière

Converser, échanger est le point commun entre poser et jouer. C’est toujours une aventure, l’occasion de rencontrer des artistes. L’actrice a le chic de perpétuellement élargir son exemple personnel à la condition du comédien. "Être acteur est un peu comme faire entrer le fil dans le chas d'une aiguille". Au théâtre, lieu contraignant par excellence, plus la contrainte est grande, plus on a la volonté de s’en échapper, ce qui libère du vivant. La scène est une passion transversale dans sa carrière. "Après avoir joué au théâtre, la vie quotidienne paraît plutôt banale". Isabelle Huppert s’en remet à la déesse Intuition pour choisir et composer ses rôles. Elle reconnaît qu’un inconscient est au travail. "Jouer, c’est organique. Je ne travaille pas un rôle, je suis travaillée par lui. Je n’y pense pas." Cette vision non cérébrale du métier ne l’a pas pourtant pas mise à l’abri d’une réputation d’intellectuelle. Ne tourne pas avec Godard (‘Sauve qui peut (la vie)’) et Pialat (‘Loulou’) qui veut. Isabelle Huppert travaille avec les cinéastes les plus exigeants, la fine fleur du cinéma d'auteur. Notre divine rouquine s’est acoquinée avec les plus grands (Sautet, Preminger, Tavernier, Ruiz, Assayas, Ferreira Barbosa, Doillon, Ferreri…), à commencer par un réalisateur en particulier, admirateur, collaborateur et catalyseur…


Chabrol… et tous les autres

Claude Chabrol est un cinéaste fondamental dans la filmographie de l’actrice. Leurs sept collaborations à ce jour (‘L’Ivresse du pouvoir’ sort en février 2006) ont contribué à révéler les talents de l’intéressée, sacrée meilleure actrice plus d’une fois : à Cannes pour son rôle de parricide dans ‘Violette Nozière’ en 1978, à Venise pour ‘Une affaire de femmes’, à Moscou pour ‘Madame Bovary’. Elle obtient un César et un prix à Venise pour ‘La Cérémonie’. Montréal salue leur fructueuse collaboration en 2000 à l’occasion de ‘Merci pour le chocolat’. Isabelle Huppert est une partenaire fidèle, à Chabrol mais pas seulement. Elle signe 4 films avec Benoît Jacquot, 2 avec Haneke, Werner Schroeder et bien d’autres. Lorsqu’on lui demande si elle aimerait choisir un metteur en scène, elle répond : "Je crois encore que le cinéma existe donc que ce sont les metteurs en scène qui choisissent les acteurs". Elle opte aussi pour des aventures plus risquées avec des réalisateurs en marge et iconoclastes comme les américains Hartley et Cimino, prenant le risque que certains de ses films tombent dans l’oubli. "Le cinéma est un art beaucoup plus périssable que les pyramides." Cette sentence de l’actrice résonne dans les murs de l’institution à vocation conservatrice qu’est la Cinémathèque française.


Une rouquine bien assise

Qui aurait pu prédire que Jacqueline, ce joli brin de fille dont la fraîcheur juvénile irradie lors de sa très brève apparition dans les ‘Valseuses’(1974), le film culte de Blier, bien qu’elle soit la quatrième roue du side-car, ferait un tel chemin ? Si cette petite rousse avait vécu quelques siècles plus tôt, on l’aurait brûlée vive. On l’a échappé belle ! Isabelle Huppert est hérétique à sa manière, aussi ensorcelante qu’une sorcière de Salem. Devenue une actrice renommée, elle n’a pas perdu en talent ce qu’elle a gagné en popularité en 35 ans de carrière. C’est Goretta qui lui offre son premier rôle remarqué dans ‘La Dentellière’ en 1976. Grâce à l’impassible Pomme, apprentie coiffeuse à la tristesse insondable, elle est nommée Meilleur Jeune Espoir féminin en Angleterre. Deux coups du destin assoient sa popularité en France : ‘Coup de torchon’ (Tavernier) et ‘Coup de foudre’ (Kurys). Suivront une reconnaissance dans le milieu cannois très fermé mais aussi des récompenses étrangères saluant une carrière internationale audacieuse. Sacrée meilleure actrice européenne en 2001, elle est saluée à la Mostra de Venise pour sa contribution internationale au cinéma et un hommage de taille lui est rendu du MoMa de New York jusqu’à Pékin en 2007. Tous ces prix ne sonnent en aucun cas le glas de sa carrière si prolifique. L’envie de jouer est intacte. A la question "Etes-vous double ?" posée par un spectateur à la Cinémathèque française, l’actrice répond "Non, je suis triple, quadruple. Je suis actrice." Le mystère restera entier, pour vous servir.

Céline Laflute pour Evene.fr - Janvier 2006

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Commentaires
F
J'ai trouvé l'adresse mail de "Redac Chef" dans les archives de mon blog : lecourrierdegilles@gmail.com . <br /> Par ailleurs, si le projet du portail culturel a lieu, j'aimerais beaucoup que vous me laissiez l'adresse de ce site. Merci et bonne continuation...<br /> Cordialement,<br /> Faustine
C
Je suis tombée par hasard sur le site de Faustine et viens de trouver le message de "Redac chef". <br /> Voici mon mail s'il veut me contacter pour ce projet de portail culturel qui m'intéresserait beaucoup a priori : celine.laflute@free.fr<br /> En espérant que le message suivra!<br /> Merci Faustine.<br /> Céline
F
Désolée msais je ne connais pas du tout la journaliste Céline LAFLUTE, je n'ai fait que copier son article sur le site www.evene.fr , qui est très bien conçu, qui a été crée par la ministère de la culture. Essayez donc d'envoyer un mail au webmestre de ce site qui pourra sans doute vous aider à entrer en contact avec cette journaliste.<br /> Par ailleurs, j'aimerais beaucoup connaître l'adresse de votre site dès qu'il sera fait. Merci.<br /> Cordialement,<br /> Faustine
R
Bonjour, je voudrais rentrer en contact avec la journaliste Céline LAFLUTE. J'aime son style, et comme je suis sur le point de mettre en ligne un nouveau portail culturel de dimension nationale, j'aurais aimé savoir si elle aurait souhaité collaborer avec mon équipe de journalistes, au sein de notre rédaction, à Paris.
É
mais Isabelle Huppert me fais penser à Georges Sand et je la trouve très sensuelle.
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