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- Les Chroniques de Faust -
6 avril 2006

CPE : "Nos étudiants vivent dans le rêve et

CPE : "Nos étudiants vivent dans le rêve et dans l'illusion"

Propos recueillis par Alexandra GUILLET   

Jean-Robert Pitte, président de l'Université Paris-IV-Sorbonne, est en colère contre les jeunes manifestants anti-CPE. En demandant un emploi sûr à 20 ans, selon lui, ils se comportent comme des "enfants gâtés" qui croient que "tout leur est dû".

Lci.fr : Les manifestations de mardi ont montré une mobilisation et une détermination intacte de la jeunesse contre le Contrat première embauche (CPE). Cela vous contrarie...

Jean-Robert Pitte, président de l'Université Paris-IV-Sorbonne : Nous sommes dans un pays têtu. Les Français sont plein de préjugés et, malheureusement, nos étudiants, comme une partie de l'opinion publique française, vivent dans le rêve et dans l'illusion. Ils croient que tout leur est dû. C'est un caprice d'enfant gâté. Certains sont manipulés, d'autres ont décidé d'en découdre. Ce qui est sûr c'est qu'une partie des jeunes estime avoir droit à un emploi, qui plus est sûr. Je trouve cela triste d'avoir 60 ans d'âge mental quand on en a 20 à l'état civil. Surtout, la réalité, c'est que dans le secteur public, et encore plus dans le secteur privé, on ne crée pas des emplois pour faire plaisir aux gens mais pour répondre à un besoin. Et il se trouve que beaucoup de diplômés de l'enseignement supérieur ne sont pas à même d'occuper immédiatement un emploi de façon efficace dans une entreprise.

Lci.fr : Si les jeunes ne sont pas opérationnels en sortant de la fac, comme vous le dites vous-même, n'est-ce pas vos formations qui sont aussi à revoir ?

J-R. P. : Nous sommes dans un pays où il y a un énorme problème de relation entre la formation des jeunes et les besoins du marché de l'emploi. Le problème vient à la base du fait que les lycéens ne sont pas ou mal orientés vers les études supérieures. Les meilleurs sont envoyés en classes préparatoires pour les grandes écoles, ceux qui viennent du secteur technique vont dans des BTS ou des IUT où ils réussissent bien. Le reste, une large majorité, se débrouille et va n'importe où. Cela aboutit à des catastrophes. Ce problème, on ne le regarde pas en face. Et on le paie très cher. De nombreux jeunes sont dans la détresse. Ils ont besoin d'acquérir un métier et l'université ne sait pas leur donner. Avoir une licence de philosophie, c'est un très bon diplôme, mais avec lequel il est impossible d'être opérationnel tout de suite dans une entreprise. En recrutant un jeune comme cela, l'entreprise aussi prend un risque.

Lci.fr : Vous semblez un peu isolé dans votre positionnement contre la jeunesse qui manifeste ?

J-R.P. : Je suis seul ! Un certain nombre de mes collègues essaient de temporiser, de minimiser les dégâts, et ne s'expriment pas sur le fond et en particulier sur l'occupation. Moi je dis clairement que c'est illégal et scandaleux ! C'est une atteinte aux droits de l'homme, aux libertés fondamentales. Il y a des universités, des institutions, un gouvernement, un Parlement, et je ne supporte pas l'idée que le pouvoir soit dans la rue, et qu'une minorité d'étudiants excités et sans véritable objectif raisonnable par rapport à ce qu'est une université, empêche la transmission du savoir. Je suis choqué, scandalisé et je regrette d'être le seul à le dire.

Deuxièmement, je ne suis pas contre un débat politique à l'université, mais un certain nombre de présidents ont mis de l'huile sur le feu en encourageant les étudiants à tenir des assemblées générales et en les laissant occuper les établissements la nuit. On sait très bien que cela dérive toujours très rapidement. Moi, je suis devant le fait accompli puisque c'est le préfet de police qui a fermé la Sorbonne, pour des raisons de sécurité. Mais le devoir d'un président est de faire régner l'ordre et de permettre à tous, enseignants et étudiants, d'entrer dans les sites.

Lci.fr : La Sorbonne est fermée et protégée par les forces de l'ordre depuis un mois. Quelle incidence cela va-t-il avoir sur les examens de fin d'année ?

J-R Pitte : Depuis un mois, la Sorbonne est protégée parce que presque tous les soirs des groupes viennent pour jeter des pavés et des cocktails molotov pour tenter de reprendre la fac. J'espère une sortie de crise rapide. Vendredi, il y aura une réunion pour prendre des décisions provisoires qui correspondront à l'hypothèse d'une reprise des cours à la rentrée des vacances de Pâques. Dans ce cas là, les enseignements du deuxième semestre seront prolongés d'un mois, jusqu'à la mi-juin, et les examens seront faits dans le cadre du contrôle continu et non pas de manière centralisée. De la sorte, on devrait pouvoir arriver à sauver le trimestre. Mais si les manifestations et les violences reprenent, je fermerai tous les sites et il n'y aura pas de deuxième semestre, un point c'est tout.

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