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- Les Chroniques de Faust -
15 septembre 2006

"Gamines" de Sylvie Testud

Sur la couverture de son deuxième roman, l’actrice Sylvie Testud regarde son lecteur en coin ; elle a l’air infiniment triste dans son grand imper. Nostalgique peut-être ? Le titre multicolore du livre tranche sur le noir et blanc de l’image en couverture. Gamines  ressemble à un petit paquet de bonbons dans un immense congélateur vide. Sylvie Testud y raconte l’histoire de trois sœurs, Corinne, Sybille, et Georgette. Elles ont respectivement 12, 10 et 8 ans au début du livre. L’héroïne est la turbulente n°2, véritable garçon manqué derrière les nattes blondes que lui tresse sa maman. C’est seule que la mère, une comptable d’origine italienne, élève ses trois filles dans le quartier de la Croix-Rousse, à Lyon. « Il » -Lui, le mari, l’homme, le père- est parti quand l’aînée avait 4 ans. Sybille est d’autant plus solitaire dans sa famille qu’elle est la seule blonde parce que qu’ « elle » lui ressemble…

Dans cette autobiographie, le lecteur reconnaît facilement Sylvie en Sybille, malgré les dénégations de l’auteur : « Toute ressemblance avec des personnages existantes est peut-être un hasard ». Au début du livre, le style parlé enfantin qu’adopte Sylvie Testud étonne et détonne ; surtout qu’il est agrémenté de bordées d’injures et de grossièretés qui sont sensées souligner le caractère franc et entier de l’héroïne : « Plus le canular est énorme, plus il est crédible ; plus l’autre à les chocottes, plus on rigole » (p. 11). Or, l’actrice ne parvient pas à justifier ses « gros mots », simplement parce que c’est un exercice très périlleux que de tenter de renouveler la langue en la plongeant dans la fange. Il faudrait que ce bain de boue émacie les mots et les régénère ; mais dans Gamines, l’effet de style tombe à plat. Bref, Sylvie Testud n’est pas Louis-Ferdinand Celine et personne ne peut lui en vouloir, ni d’essayer, ni d’échouer. Simplement, au début du livre, l’ « oralité » du texte rend la lecture un peu difficile.

Mais au fur et à mesure des chapitres, cette impression s’atténue, peut-être parce que le lecteur s’habitue à la plume franche de Sylvie Testud, peut-être aussi parce que l’auteur finit par donner plus d’attention au fond, et moins à la forme. Et ce fond est très émouvant. L’absence du père – qui est le sujet principal de Gamines- est un thème poignant, que Sylvie Testud aborde avec un zeste d’originalité et beaucoup de pudeur. Quant aux personnages du livre, ils sont hauts en couleurs. La famille italienne de la « Mama » est aussi hilarante que menaçante, et les rapports de complicité infinie et de rivalité qui lient les trois sœurs sont très finement explicités. Enfin, Sylvie Testud nous remémore avec un sens aigu du détail le petit monde de l’enfance, que ce soit à l’école, en vacances, ou dans la pénombre de la chambre partagée. Gamines est une tendre madeleine à s’offrir en apéritif de cette rentrée littéraire 2006.

Sylvie Testud, Gamines, Fayard, 17 euros, 302 p.

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