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- Les Chroniques de Faust -
14 octobre 2006

Lost in translation

18365406J'ai regardé le film "Lost in translation" de Sofia Coppola avec Bill Murray et Scarlett Johansson. Bien, mais on reste un peu sur sa faim... Belle histoire qui se déroule à l'autre bout du monde, une rencontre où il n'y a rien à espérer, à chercher, une rencontre entre Charlotte et  Bob, qui nous montre les belles choses de la vie... Les rencontres ne font-elles pas parties des petits bonheurs de la vie ?

Synopsis :

Bob Harris, acteur sur le déclin, se rend à Tokyo pour touner un spot publicitaire. Il a conscience qu'il se trompe - il devrait être chez lui avec sa famille, jouer au théâtre ou encore chercher un rôle dans un film -, mais il a besoin d'argent.
Du haut de son hôtel de luxe, il contemple la ville, mais ne voit rien. Il est ailleurs, détaché de tout, incapable de s'intégrer à la réalité qui l'entoure, incapable également de dormir à cause du décalage horaire.
Dans ce même établissement, Charlotte, une jeune Américaine fraîchement diplômée, accompagne son mari, photographe de mode. Ce dernier semble s'intéresser davantage à son travail qu'à sa femme. Se sentant délaissée, Charlotte cherche un peu d'attention. Elle va en trouver auprès de Bob...

Critique de Télérama, trouvée sur le net :

"Brève rencontre à Tokyo. D'un sujet classique, Sofia Coppola tire un film unique et bouleversant.
Un homme, une femme. Un regard, un hôtel. On croit connaître la chanson. Et voilà que Sofia Coppola nous la chante à sa façon, limpide, unique. A-t-elle lu Baudelaire ? On le jurerait tant les vers d'A une passante résonnent dans ses images mélancoliques, bercées d'un rock chaud et planant : « O toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais... » La passante, c'est Charlotte, jeune mariée au visage bouffi de sommeil. Celui qui la re- garde, c'est Bob, acteur du double de son âge, les traits figés dans une moue de perplexité caoutchouteuse.
Leur rencontre aurait pu se passer sur la Lune, ou au fond de l'océan. Elle a lieu dans un grand hôtel de Tokyo, lieu de perdition accueillant et impénétrable, sas de sécurité ouvert à tous et fermé sur lui-même. Oubliés dans leur Amérique natale, inconnus dans un Japon fatal, Charlotte et Bob ne savent pas que ce cocon ouaté sera le lieu de toutes leurs métamorphoses.
Elle est venue accompagner son mari, fringant photographe à l'agenda surbooké. Il a laissé sa femme à ses histoires de moquette en Amérique et s'en est allé tourner une pub pour un whisky nippon. Ils ne se connaissent pas et n'ont pas l'intention de le faire. Concrétiser, décider, très peu pour eux. Météorites déboussolés, ivres d'ennui et de solitude, ils tournoient sur eux-mêmes avant de s'entrechoquer en douceur.
Leur attraction est d'abord régie par le décalage horaire. Sofia Coppola donne à palper, comme personne, cette étrange maladie du voyageur condamné à vivre à contretemps, perdu dans un brouillard énergisant. Zombies en état d'éveil extrême, Charlotte et Bob émettent et captent des signaux inhabituels. Engourdi et détraqué, leur organisme compense par une excitation nerveuse qui décuple l'acuité sensorielle. La clameur électrique de Tokyo les met en alerte au lieu de les assourdir. Un fax qui crépite, des rideaux qui s'ouvrent automatiquement : chaque bruit sonne comme une présence surnaturelle et alarmante. Le décalage recale. Il remet les choses en place, comme un massage violent qui malmène le corps avant de le laisser repartir pour d'autres aventures, autonome, souple et détendu.
Le film aurait pu se passer sur une plage des Seychelles ou sur une gondole vénitienne. Nous nous serions satisfaits de n'importe quel cliché, tant Sofia Coppola est apte à tout régénérer. Elle a la bonne idée de parachuter ses personnages au Japon et de n'en tirer aucun dépaysement romantique. Rêche et brutal, l'exotisme nippon n'incite pas à la bagatelle. Charlotte et Bob sont même chassés d'un restaurant à coups de mitraillette virtuelle... Les feux rouges font tchip-tchip, les trains entrent en gare sur fond de musique criarde, les luminaires des gratte-ciel remettent tout oeil vague dans le droit chemin. D'inutiles messages sonores et visuels fusent de toutes parts, accaparant leurs pensées. Tout est fait pour qu'ils ne puissent pas rentrer en eux-mêmes, dans ce pays de surpassement technologique. Et pourtant, l'effet inverse se produit. Leur corps devient une coquille dans laquelle ils se réfugient pour se mettre à l'abri. Et la sérénité finit par affleurer, du tréfonds de leur être.
Sofia Coppola capte aussi la douleur fugace mais intense de l'étranger privé de ses repères. Perdus dans un monde dont ils ne comprennent ni la langue ni les codes, ses deux héros ont mis leur intellect en veilleuse. Ils sont dans le vertige de l'instant, dans la perception immédiate et directe du présent. Se trouver immensément grand dans l'ascenseur, se laver sous une pomme de douche réglée à la mauvaise hauteur. Autant de sensations primaires et implacables qui vous plongent dans une terrible angoisse existentielle : qui suis-je sur cette terre où rien n'est fait pour moi ?
Du coup, la plus petite connivence devient rassurante. Un seul regard est source d'apaisement. Bob et Charlotte se rejoignent par solidarité métaphysique, unis par la beauté de leur silence dans le brouhaha tokyoïte. Sofia Coppola leur tend beaucoup de miroirs : Charlotte ne peut éviter de se regarder dans la baie vitrée de sa chambre d'hôtel, et Bob n'en finit plus d'être confronté à sa propre image, reproduite à grande échelle sur les affiches publicitaires de la ville. Effrayés par le reflet d'eux-mêmes, ils s'oublient dans les yeux l'un de l'autre. Voir à travers l'autre, tout en se réverbérant en lui, c'est le propre d'une rencontre réussie...
La fusion opère d'autant mieux que les deux êtres sont farouches et réservés. Parfois presque boudeurs et dédaigneux. Souvent drôles et flegmatiques, amusés par l'absurdité de leur destin. Interprétés par deux acteurs au jeu translucide et pénétrant (Scarlett Johansson, la petite pianiste de The Barber, des frères Coen, d'une douceur olympienne, et Bill Murray, le dindon d'Un jour sans fin, délicatement désorienté), ils semblent éterniser le calme avant la tempête. Tout se joue à l'intérieur. Ils couvent quelque chose de fragile et d'indéfinissable dont l'éclosion n'apparaîtra pas à l'écran. Non pas que Sofia Coppola cherche à jouer sur la frustration. Elle suit simplement la maturation éphémère et innocente de quelque chose d'impalpable : l'évolution des êtres. Son film montre que les grands moments de la vie ne sont pas forcément les plus spectaculaires, que les changements d'aiguillage n'interviennent pas forcément aux grands carrefours fléchés. Bob et Charlotte s'aiment-ils, s'aimantent-ils ou s'épaulent-ils simplement ? « Un éclair... puis la nuit ! Fugitive beauté / dont le regard m'a fait soudain renaître / Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ? / Ailleurs, bien loin d'ici, trop tard ! Jamais, peut-être... » Sofia Coppola nous laisse le soin de résoudre l'énigme baudelairienne tout seuls, face à nous-mêmes, longtemps après la mystérieuse image de fin. Avec une certitude très nette : ce film-là, radieux, retenu et remuant marque une date dans l'histoire personnelle de celui qui l'a vu."

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Commentaires
T
les êtres humains n'ont - ils trop souvent une beauté d'âme que dans les films ?...je comprends mieux pourquoi je passe une partie de mon temps dans les salles obscures :-)
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