Les amants du Flore
Téléfilm passé samedi soir sur France 3
En 1929, une jeune et belle étudiante de la Sorbonne rencontre un jeune homme, certes moins beau mais néanmoins intelligent et séduisant. Elle s’appelle Simone de Beauvoir, il s’appelle Jean-Paul Sartre et ils deviendront les célèbres « Amants du Flore ».
Le père de Simone, aristocrate déclassé et mâle dominateur, lui administre le poison de la haine de soi : trop laide, trop pauvre, pour mériter d’être épousée. Mais il loue son « cerveau d’homme », cette intelligence qui, à ses yeux, la condamne à être vieille fille et à travailler afin de subvenir à ses besoins. Pour trouver grâce auprès de son géniteur, en 1929, Simone devient la plus jeune agrégée de philosophie de son temps, tous sexes confondus. Un jeune génie, aussi laid que provocateur, aussi dépravé qu’elle est chaste, s’empare de la première place. Simone construit son existence entière sur le résultat de ce concours : elle se veut, pour toujours, « la première après Sartre ». Il la considère, en retour, comme la seule femme digne d’être son interlocuteur, la seule qui lui soit « nécessaire ». En guise de demande en mariage, le jeune homme lui propose un pacte dans lequel la monogamie, comme le mensonge, n’auront pas cours. Pour la plus grande gloire de la littérature et de la connaissance de l’âme humaine, ils doivent multiplier les expériences chacun de son côté et se les raconter dans les moindres détails. L’innocente pucelle relève le défi...
Réalisateur : Ilan Duran Cohen
Producteur : Nicolas Traube
Scénario, adaptation et dialogues : Chantal de Rudder et Evelyne Pisier
Musique : Grégoire Hetzel
Producteur exécutif : Sophie Ravard
Directeur de production : Gérard Gaultier
Une production : Pampa Production/Fugitive Productions, avec la participation de France 3, d’Arte France, de TV5 et le soutien de la région Ile-de-France
Directeur de l’unité fiction de France 3 : Patrick Péchoux
Conseillère de programmes : Catherine Ruault-Castera
Les Amants du Flore
Le film
Ce téléfilm de Duran Cohen, salué par le Fipa d'Or du meilleur scénario, attire l'attention, tant par son sujet à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Jean-Paul Sartre, que par la performance de ses acteurs, Lorànt Deutsch et Anna Mouglalis, qui incarnent Sartre et Simone de Beauvoir. Le sulfureux couple est ainsi mis en scène dans une réalisation au demeurant assez réaliste qui retrace le parcours des deux amants depuis leur réussite à l'agrégation de philosophie en 1929 jusqu'à la guerre, mais égratigne également l'image mythique du couple. Déjà révélé depuis l'édition par Jacques-Laurent Bost de la Correspondance croisée de Simone de Beauvoir, l'amour de Sartre et Beauvoir n'est pas idéalisé : leur liaison adultère était une nouvelle forme de leur rivalité. En somme, ce téléfilm a le mérite d'être très abordable et attrayant pour des lycéens : il s'attire les grâces du public, tant par le jeu des acteurs que par son sujet, une histoire d'amour somme toute banale, entre attachement et trahison.
Pistes à suivre
La rencontre amoureuse
Lors d'un groupement de textes sur les rencontres amoureuses dans la littérature, il est possible d'envisager un prolongement avec le début de cette réalisation et la rencontre des deux écrivains. En effet, ce couple mythique permettra de s'interroger sur la notion de « muse » qui sert tant les écrivains. Atypique, la relation Sartre-Beauvoir renouvelle cette figure de la muse. Justifier le surnom de « Castor » et de « Fille lunaire ». Une comparaison avec le couple que formèrent Rodin et Camille Claudel, Aragon et Elsa Triolet ou Dali et Gala suscitera une réflexion sur le rapport de force qu'induit le sentiment amoureux. Enfin, en nous présentant un Sartre qui refuse de s'engager dans le conflit en 1939-40, qui hésite entre complicité amoureuse et lutte intellectuelle, le spectateur en vient à se demander si Sartre est bien le « héros » que l'on croit... Ce couple peu conventionnel va ainsi à l'encontre de l'allure romanesque des figures amoureuses de la littérature. La réflexion s'achèvera sur l'interrogation suivante : comment Sartre et Beauvoir, au-delà du couple, sont-ils le reflet de leur siècle sur le plan social et littéraire ?
Le contexte et les lieux littéraires
D'abord facile, ce téléfilm sera un bon prétexte pour revenir sur les modes de diffusion littéraire et critique au cours des siècles. On étudiera notamment l'esprit des salons au XVIIIe siècle autour des identités célèbres, les académies, les soirées de Médan chères à Zola au XIXe siècle, pour s'attarder sur le notoire café de Flore, où se réunissait l'intelligentsia de l'époque. Ouvert autour de 1890, il fut dans les années 1930 le rendez-vous de personnalités artistiques tels Saint-Exupéry, Picasso, Hemingway... Rechercher la nature de la collaboration entre Picasso et Sartre évoquée dans le téléfilm. Cette étude du contexte culturel permettra aussi de revenir sur l'univers intellectuel de l'époque autour d'un lieu mythique comme la Sorbonne (présente en début de film), et sur l'importance de la capitale par contraste avec la province. L'étude des clichés facilite la compréhension de l'époque : le travail est considéré comme une forme d'avilissement et la place de la femme demeure au foyer. Il peut être utile de rappeler que le vote des femmes fut acquis en 1944 (et effectif en 1945). Les scènes bucoliques, la mise en scène des résultats de l'agrégation, la polémique autour de la figure de Gide sont autant de moments du film qui permettent d'ancrer la littérature du XXe siècle ou des mouvements littéraires tel l'existentialisme. Rechercher pourquoi Gide est considéré comme « immoral ». Définir la condition féminine de l'époque et rechercher la place occupée par les femmes dans la sphère littéraire.
Approche de la philosophie
Les deux écrivains furent enseignants en philosophie. Le téléfilm peut ainsi être une bonne approche de ce qu'est la philosophie : établir les liens entre la philosophie, la logique, la psychologie... En s'attardant sur l'exposé de Sartre lorsqu'il interpelle les étudiants, s'interroger sur la place que tient autrui dans notre vie. Un document complémentaire, tel un extrait de Huis clos (« L'enfer, c'est les autres »), complétera l'approche.
Pour en savoir plus
Leurs yeux se rencontrèrent... Les plus belles premières rencontres de la littérature, Gallimard, coll. « Folio 2 euros », 2003.
BEAUVOIR Simone (de), BOST Jacques-Laurent, Correspondance croisée : 1937-1940, Gallimard, coll. « Blanche », 2004.
SARTRE Jean-Paul, Lettres au castor et à quelques autres, tome 1 : 1926-1939, Gallimard, coll. « Blanche », 1983.
Sur le site de la BnF, une exposition virtuelle autour de Jean-Paul Sartre : http://expositions.bnf.fr/
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