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- Les Chroniques de Faust -
30 mai 2006

Ken Loach

PORTRAIT DE KEN LOACH
L'humain avant tout

Grand vainqueur de ce 59e Festival de Cannes, Ken Loach remporte à bientôt soixante-dix ans une première Palme d'or pour 'Le Vent se lève', récompense suprême qui vient couronner près de quarante-quatre ans de carrière et vingt-quatre films. Retour sur l'un des pionniers de la vague néo-réaliste britannique.

De la télévision au cinéma

Après s'être un temps inscrit en droit à l'université de Oxford, Ken Loach décide d'embrasser une carrière artistique et devient comédien puis metteur en scène au sein de la Northampton Repertory Theater. Il fait ensuite ses premières preuves en tant que réalisateur pour la télévision anglaise dès 1962. S'associant au producteur Tony Garnett, il produit une série de fictions basées sur des événements réels. Avec 'Cathie Come Home', qui traite de parents pauvres à qui l'on retire le droit de s'occuper de leurs enfants, Ken Loach impose déjà son style : fort intérêt pour les plus démunis, réalisme social et revendications gauchistes (il est membre du Parti travailliste britannique). C'est avec 'Pas de larmes pour Joy' (le titre original est 'Poor cow') qu'il effectue son passage au cinéma en 1967. Sans pour autant quitter la télévision, il signe 'Kes' (nommé plusieurs fois aux Bafta, les Oscars anglais), portrait fidèle et rude de mineurs vivant dans le Yorkshire. Tel son confrère Mike Leigh, qui débute également dans les années 1960, il poursuit sa fulgurante carrière télévisuelle en réalisant régulièrement des épisodes de séries télévisées et des téléfilms.

Une approche de sociologue

Son film suivant est une oeuvre puissante ressentie tel un véritable coup de poing : peinture d'une adolescente perturbée, incomprise par sa famille et plongeant peu à peu dans la schyzophrénie, 'Family life' est un film criant de vérité qui fait froid dans le dos. Dès lors, Ken Loach s'impose véritablement comme un observateur et lorgne du côté du sociologue. En plus de dépeindre des situations contemporaines à leur tournage (le problème irlandais et la dénonciation de méthodes illégales au sein de la justice anglaise dans 'Hidden Agenda' - 1990, la précarité du milieu du travail à Londres dans 'Riff raff' - 1991), il s'attache à décrire des personnages (qu'il ne condamne jamais) ancrés dans un milieu social défavorisé et à comprendre et expliquer leurs comportements sociaux. Sous leurs aspects difficiles, ses films portent toujours un regard humaniste et naturel sur les sujets qu'ils abordent. Dans 'Kes', l'aspect poétique émane du faucon que le jeune Billy recueille sous son aile et qui, grâce à l'élevage de celui-ci, va trouver une échappatoire au monde qui l'entoure dont il se sent blessé. Dans 'Carla's song' (1996), c'est un autre type d'amour, celui porté par un chauffeur de bus (Robert Carlyle) à une réfugiée nicaraguayenne qui a fuit la guerre dans son pays. Dans 'My Name is Joe' (1998), le thème de l'amour est également présent et laisse entrevoir une lueur d'espoir à cet alcoolique écossais (Peter Mullan) fou d'amour pour une assistante sociale.

Du cinéma engagé

Ken Loach est l'un des fondateurs du cinéma néo-réaliste à l'anglaise, et, contrairement à la France qui a connu une vague de ce style entre la fin des années 50 et le début des années 60 avec les "jeunes turcs" du cinéma français devenus réalisateurs tels que François Truffaut, Jean-Luc Godard, Jacques Rivette, Claude Chabrol, Eric Rohmer ou encore Jacques-Doniol Valcroze, ce courant existe toujours en Angleterre. Faire des films socialement engagés, ne pas renoncer au discours politique, tel est l'engagement de Ken Loach. Quant aux nouveaux réalisateurs anglais, ils n'hésitent pas à suivre les pas de leurs aînés que sont non seulement Ken Loach mais aussi Mike Leigh et Stephen Frears, qui ont également débuté au début des années 60 à la télévision. On pense à des films tels que 'The Full Monty' de Peter Cattaneo, 'Les Virtuoses' et 'Little Voice' de Mark Herman ou encore 'Billy Elliot' de Stephen Daldry, qui perpétuent la tradition du cinéma-vérité et intimiste.

Les années 90 : fin d'une époque

Suite aux années noires du gouvernement Thatcher, leader du Parti conservateur de 1975 à 1990, Ken Loach se sent libéré d'un poids : lui qui a été si souvent sujet à la censure peut à nouveau aborder ses thèmes de prédilection. Ainsi, les années 90 seront à l'image de cet homme, engagé sur tous les fronts et pas seulement sur les problèmes pernicieux de son pays. Il délaisse le sol britannique pour le soleil de Californie le temps du tournage de 'Bread and roses', dénonciation de la précarité des travailleurs latinos émigrés aux Etats-Unis. De retour en Angleterre, après avoir participé au film collectif sur les attentats du 11 septembre 2001, il réalise 'Sweet sixteen', portrait des dérives d'un adolescent souhaitant améliorer le sort de sa famille, qui évite tout misérabilisme.

Un discours moins virulent ?

Si ces dernières années on a souvent reproché à Ken Loach d'être moins caustique et virulent, et de pratiquer un cinéma trop didactique au goût de certains critiques, il n'empêche qu'à bientôt soixante-dix ans, le réalisateur n'a rien perdu de sa verve révolutionnaire. Son oeuvre cinématographique est le témoignage de l'engagement de toute une vie, aussi bien au niveau social que politique.

Treize fois sur la croisette et une Palme d'Or

Le Festival de Cannes vient de rendre son verdict en descernant à juste titre la tant convoitée Palme d'Or à Ken Loach. Ayant figuré treize fois, toutes catégories confondues, sur la Croisette, cet habitué du Festival venait cette année défendre, en compétition officielle, 'Le Vent se lève', film historique sur l'histoire de deux frères luttant pour l'indépendance de l'Irlande. La consécration pour le cinéaste qui, on l'espère, s'exprimera de longues années encore à travers ses films, tel un illustre témoin de son époque.

Sabrina Piazzi pour Evene.fr - Mai 2006

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