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- Les Chroniques de Faust -
17 novembre 2005

Séries Télé


LES SERIES TELE

Commerce artistique ?

Depuis 'Dallas' et 'La Petite Maison dans la prairie', les producteurs n'ont pas lésiné sur la création de nouvelles séries. La France et les Etats-Unis leur réservent un traitement différent. Sont-elles uniquement un business lucratif ? Peut-on y voir une dimension artistique ? Evene propose une analyse du phénomène.

La France à la traîne

Depuis la fin des niaiseries d'AB productions qui ont fait les beaux jours de TF1 il y a dix ans, la France ne se distingue pas par sa grande créativité. Si l'on essaye très souvent d'exploiter le genre, ce sont toujours les mêmes ingrédients qui sont utilisés, laissant de côté l'innovation. Néanmoins, certains succès surprennent et perdurent.
'Sous le soleil' fait partie des séries à la longévité exceptionnelle. Celle qui était comparée à 'Beverly Hills' à ses débuts a réussi à se démarquer par ses décors naturels. Exportée dans plus de 80 pays, elle a déjà à son actif plus de 234 épisodes. Divertissante, mais pour qui cherche de la profondeur : aussitôt regardée, aussitôt oubliée. Dans le même genre, la surprise de ces derniers mois a été provoquée par France 3. Par manque d'audience, 'Plus belle la Vie' a failli être arrêtée au début. Mais l'obstination de la chaîne a payé puisqu'à ce jour la série a atteint jusqu'à 5 millions de téléspectateurs et est même prévue en première partie de soirée !

La France a la particularité d'être spécialisée dans les séries policières : 'Julie Lescaut', 'Navarro' et tous leurs clones. Ici encore, on se contente d'appliquer inlassablement les mêmes règles pour écrire les scénarios. Chaque série présente un héros très humain partagé entre ses fonctions et sa vie personnelle. Les Français sont également friands des sagas de l'été. Si depuis deux ans les scénarios ont quelque peu évolué en introduisant une dimension fantastique, les mêmes ingrédients sont utilisés : secrets de famille, trahisons, romance... Succès garanti, 'Dolmen' a obtenu la plus forte audience de 2005 avec en moyenne 12 millions de téléspectateurs et 50 % de part de marché ! 'Zodiaque 2' est même prévu pour l'été prochain.
Il semblerait qu'un effort soit produit puisqu'on assiste depuis quelques années à la création de nouvelles fictions. Ce sont les séries adaptées de la littérature ou "historiques" qui attirent. Après 'Landru' et 'Les Misérables', 'Les Rois Maudits' fait un carton avec plus de 8 millions de téléspectateurs devant leur écran, soit environ 30 % de part d'audience. Des têtes d'affiches renommées comme Gérard Depardieu et Jeanne Moreau rapprochent de plus en plus les séries des productions cinématographiques.
Autre succès, initié par 'Un gars, une fille' : les formats courts. Ce sont des séries de 7 minutes où se succèdent des sketches. 'Un gars, une fille', tout droit venue du Canada et adaptée dans de nombreux pays, a lancé la mode et a permis la déclinaison du concept. En ce moment, 'Caméra café' a laissé la place à 'Kaamelot' sur M6. On peut féliciter les scénaristes qui ont réussi le pari de divertir et de faire rire les Français tous les soirs en si peu de temps.
Certaines séries européennes comme 'Un, dos, tres' en Espagne et 'Absolutly Fabulous' en Angleterre ont elles aussi eu un succès tel qu'elles ont traversé les frontières, mais c'est aux Etats-Unis qu'il faut regarder la télévision pour trouver les meilleures fictions.

L'hégémonie américaine... culturelle ?

Les années 1990 ont marqué un premier tournant dans l'histoire des séries en renouvelant chaque genre avec 'Friends' pour l'humour, 'X-Files' pour le fantastique, 'Buffy contre les vampires' pour le mélange des genres et 'Sex & the City' pour le traitement osé du sexe. Les années 2000 ont tourné une nouvelle page dans l'histoire des séries en les faisant passer du statut de "sous-genre culturel" à celui de création artistique à part entière.
Les séries dramatiques ont subi un véritable lifting, dans le fond comme sur la forme. En effet, les Américains mettent à présent l'accent sur l'originalité et l'anticonformisme. '24 heures chrono' est probablement la plus innovante : elle se déroule en temps réel, provoquant un sentiment intense d'angoisse tant les rebondissements de cette fiction sont surprenants.
Dans un autre registre, Teri Hatcher et ses'Desperate Housewives' (récompensées par 6 Emmy Awards) situe toute l'action de cette fiction dans la bourgade de Wisteria Lane, parodie explicite des banlieues aisées américaines. On y trouve une représentation de la société américaine qui joue sur des clichés tout en y apportant de nombreuses nuances. La critique acerbe et pleine d'humour propose une réflexion sur la lutte du pouvoir entre les hommes et les femmes. Sont discutées, entre autres, l'influence et la légitimité de la religion, la solitude, la confiance et la profondeur des relations humaines.

Influences littéraires

Certains créateurs de séries revendiquent des inspirations littéraires. Ainsi, J.J. Abrams, créateur de 'Felicity' et d''Alias', a parsemé 'Lost', son dernier succès, de références au roman 'Sa Majesté des mouches' de William Golding. Même situation initiale, mêmes types de personnages et une citation du roman établissent un parallèle saisissant.
'Nip/Tuck' a reçu un excellent accueil de la part des Français. Originellement programmée à minuit, le succès lui a permis d'être diffusée en deuxième partie de soirée. Réflexion sur la superficialité oscillant entre l'humour et l'émotion, 'Nip/Tuck' reprend les ingrédients de base de toute série : des personnages beaux et attachants dont le destin bascule à chaque retournement de situation. Mais elle propose des univers sans cesse renouvelés et imagine des personnages de plus en plus complexes. Subversive et à l'encontre des bonnes moeurs, elle ne peut que rappeler l'atmosphère des romans de Bret Easton Ellis. Les personnages, ambigus, n'ont rien à envier à Dorian Gray. Le suicide, l'importance des apparences, les relations familiales, le conformisme américain et le sexe y sont les thèmes abordés avec finesse. Le traitement proposé est original et l'atmosphère choisie en totale rupture avec ce qui s'est vu auparavant. Challenge réussi : cette série est l'une des plus marquantes de ces dernières années.

Phénomène en série(s)

Il suffit de voir l'audience que certaines séries récoltent aux Etats-Unis pour imaginer leur impact : 51 millions d'Américains devant le dernier épisode de 'Friends' ! Véritable engouement à l'image du phénomène qu'a engendré la diffusion de 'Lost' sur TF1. Les femmes de 'Desperate Housewives' sont sur les traces des disparus puisque plus d'un quart des abonnés a suivi leurs aventures, un record !

Business décliné sur papier

Un tel phénomène engendre nécessairement des retombées sur d'autres supports. Chaque série possède plusieurs guides à l'usage de ses fans, qui donnent en général un descriptif de tous les épisodes, des biographies d'acteurs, des anecdotes et secrets de tournages, des analyses... Certaines font même l'objet d'adaptation en romans de poche, telles que 'Alias' et 'Newport Beach'. Ainsi, suite au succès de 'Desperate Housewives', le guide de la série vient de paraître et une adaptation est prévue par Fleuve Noir pour les mois à venir.
Aujourd'hui, les bandes dessinées ont la cote : 'Les Experts', '24 heures chrono', 'Léa Parker'... Mais l'intrigue et les graphismes sont d'une telle pauvreté qu'il est difficile d'y voir plus qu'une opération commerciale fort lucrative. Et le phénomène inverse se produit aussi : la bande dessinée 'Largo Winch' est devenue une série.
Que ce soit sur papier, à la télé ou au ciné, il n'y a plus de limites à l'art... ou au commerce ?

La suite au prochain épisode ?

Dans le fond, les séries télévisées ne sont que l'évolution logique des romans écrits au XIXe siècle par Gustave Flaubert ou Charles Dickens qui publiaient (pour des raisons économiques également) leurs romans chapitre après chapitre et faisaient évoluer l'intrigue sur des années, laissant leurs lecteurs en haleine. Ils étaient d'ailleurs qualifiés de "feuilletons", terme passé aujourd'hui dans le langage télévisuel...
De nos jours, certaines séries sont de meilleure qualité que d'autres films, d'autant plus qu'elles bénéficient d'une liberté de ton plus grande que les fictions des salles obscures. Il y a tellement d'argent en jeu au cinéma qu'on y prend de moins en moins de risques, alors que les chaînes câblées américaines comme HBO n'hésitent pas à pousser la créativité à son paroxysme.
A l'image de la société américaine, les séries sont parfois très puritaines et conservatrices, comme le bon vieux 'Sept à la maison' ou totalement provocantes, tel que le transcendant 'Six Feet Under'. Dans ce cas, on peut même aller jusqu'à dire qu'elles ont un temps d'avance sur la société. Des séries comme 'Queer as Folk' et plus récemment 'The L Word' osent traiter ouvertement le thème de l'homosexualité.

Sitcoms, soap operas, séries TV, sagas de l'été, téléfilms proposent pléthore d'atmosphères, d'intrigues, de dialogues et de personnages. Alors, pour tous ceux qui sont encore dubitatifs, écoutez cet adage du kitchissime Ridge Forester de l'immuable 'Amour, gloire et beauté' : il y a forcément une série qui, quelque part, est faite pour vous. Trève de plaisanteries, qu'on se le dise : l'art est plus présent dans le petit écran qu'il n'y paraît. Bienvenue à l'Art cathodique !

Jonathan Journiac pour Evene.fr - Novembre 2005

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Commentaires
K
Pour commencer, très bonne page web et très bonnes analyses!<br /> Je suis passioné de cinéma et pourtant, pour moi, la série dépasse dans bien des cas le film. Elle permet dans certains cas une identification au personnages que le film ne peut apporter car il est impossible en 1h30 voire 2h de détailler autant un monde (et ses persos) que peut le faire une série en une saison (24 épisodes environs, 40 min par épisode soit 16h). Pour parler des séries françaises, je pense que leurs principals problèmes, c'est le lissage dont elles font preuves. Des séries américaines comme "Desperate Housewives, O.C, Nip/Tuck... amènent une critique de la société américaine, une autodérision qu'aucune série française n'est parvenu à apporter. Et c'est dommage. Les gens considèrent trop souvent la série (soap ou sitcom) comme une chose pour débile profond sans intérêts et encore moins pourvu de beauté artistique. Ils ont tort. Une série comme O.C par exemple (Newport Beach), possède une réel talent artistique: une bo d'enfer, de bons acteurs, des techniques de tournages semblables à celles d'un film (travellings...)et surtoût une approche différente d'un monde et surtoût d'une génération. Comme si les scénaristes connaissaient vraiment nos problèmes et ça c'est rare. Aucune série en Françe ne peut , malheureusement, en dire autant.<br /> <br /> Bye
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